samedi 20 novembre 2010

De la discrimination contre les médecins étrangers



Je me suis un peu étouffée en buvant mon café cette semaine, lorsque j'ai lu que la Commission des Droits de la personne a conclu que les médecins diplômés hors Canada et États-Unis (DHCEU) étaient victimes de discrimination.    Je ne veux pas être mal comprise, loin de là: leur parcours est inutilement long et semé d'embûches.  Et la politique d'études d'équivalences  du Collège des médecins du Québec est elle aussi bancale.
Mais voilà, on oublie que la médecine est profondément culturelle, surtout les soins de première ligne -pédiatrie, médecin interne  générale, médecine de famille- et que la majorité des DHCEU qui nous arrivent sont des spécialistes dans leur pays d'origine qui se font diriger en médecine familiale ou en médecine interne générale car la compétition est grande pour entrer en spécialité.
Je ne veux pas disserter ici de l'aspect éthique d'intégrer à notre système des médecins formés à l'étranger et qui souvent étaient -pour ceux des pays du sud- "l'élite" là bas et dont chaque départ amoindri les chances du pays de se bâtir un système de santé convenable (je reviendrai à cet exode des cerveaux plus tard).  Je ne m'étendrai pas non plus sur l'utilisation du mot discrimination, qui est en général lié à l'utilisation d'un droit (et je ne crois pas qu'être médecin soit un droit, c'est vraiment un privilège) mais j'aimerais souligner que si on choisissait 25 chirurgiens spécialistes avec plus de dix ans d'expérience, tous québécois-francophones-pure-laine ou québécois-anglophones-pur-tweed, plusieurs d'entre eux n'arriverait pas à donner des réponses adéquates à l'entrevue de sélection de médecine familiale, là où le manque de médecin est le plus criant et là où la majorité des places en résidence non-comblées sont. Et la majorité d'entre eux aurait beaucoup de difficulté à se concentrer sur la médecine préventive, sur les aspects psycho-sociaux  de la santé, sur le soins aux malades chroniques, aux syndromes douloureux, à l'anxiété et la dépression qui son le lot quotidien des médecins de famille.
J'ai la chance de travailler avec les DHCEU qui ont été admis en résidence, presque tous les jours.  Et plusieurs d'entre eux s'intègre très rapidement à notre culture médical et à nos façons de faire.  Mais pour une grande partie, la résidence devient des années très difficiles, puiqu'ils doivent désapprendre presque tout ce qu'ils croyaient savoir, et tout réapprendre.  Ils ont besoin de beaucoup de supervision -idéalement, un superviseur pour un appenant, en étirant la sauce peut-être deux pour un. 
Mais dans cette époque de grande pénurie de médecins de famille, où ceux d'entre nous qui faisons de la supervision de résidents doivent être responsables du travail de 4, 5, 6 et parfois 7 résidents, est-ce que le public voudrait que l'on retire de la pratique active une cinquantaine de médecins de famille pour encadrer correctement les DHCEU?

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