vendredi 5 décembre 2014








Place du 6 décembre 1989, matin du 5 décembre 2014.

Il y a 25 ans, les femmes québécoises ne se sentaient pas en danger comme collectivité.
Le lendemain, tout a changé.
 




Un mercredi après-midi, à Iberville, j'allume la télé: étrange, les nouvelles déjà à l'antenne, il n'est pas encore 18h(c'était il y a longtemps, avant les nouvelles en continu).

Un fou armé est entré à l'école où mon frère étudie le génie.

Des morts.

Panique. On appelle Charles -à la maison, c'était avant les cellulaires.
Pas de réponse.

Ce jour-là, Poly était un drame familial.

On lui a parlé finalement, il n'y était pas.
La télé nous apprend que les femmes étaient visées. On pense à la copine de mon frère, ses collègues, à ses amies. Aux hommes qui étaient là, impuissants.

Le lendemain, le drame sociétal a frappé de plein fouet la jeune ado que j’étais. Des femmes tuées parce qu’elles étaient femmes, parce qu’elles « prenaient la place » de l’homme en train de perdre le privilège du chromosome y. Mais ces femmes-symboles auraient pu être des proches. Horreur sur horreur sur horreur.

Vingt-cinq ans plus tard, en allant au travail le matin, je passe sur la minuscule Place du 6 décembre 1989. Je pense à toutes femmes tuées parce qu'elles sont femmes (et ces jours-ci,à nos sœurs autochtones, surtout).

jeudi 26 juin 2014

La surprise du jour

J'adore le souper de graduation de nos résidents; une tradition que les médecins-enseignant ont institué il y a une dizaine d'année; un événement qui réunit les superviseurs, les résidents qui terminent et les résidents de première année.  Toujours le même format: cocktails, puis cérémonie de graduation, et enfin le souper.  La cérémonie est à la bonne franquette: un coin de la salle, un micro.  Les superviseurs de chaque équipe montent sur scène (je me souviens du moment où les leaders d'équipe étaient  les seuls à faire les présentation, heureusement ça a changé!), disent quelques mots sur les résidents qui graduent; souvent touchant, parfois hilarant.  Cette année, mon équipe avait un grand cru de résidents; on les aimait tous, ils vont tous nous manquer, on avait un lien privilégié avec chacun d'entre eux.  J'ai dit au revoir à Catherine, que je connais depuis sa première année de médecine, à Bola qui est une résidente incroyable...
Le mystère de l'équipe verte -est-ce que c'est l'équipe qui entraîne la joie de vivre et le succès des résidents ou est-ce les résidents qui font vivre l'équipe- continue.

Ensuite, ce sont les prix: meilleur résident en obstétrique, en médecine, meilleur généraliste, meilleur projet de recherche...  et puis un nouveau prix qui en a ému plus d'un: des patients de Dr Stuart Glaser (un médecin de famille à l'ancienne, en pratique solo) ont décidé de créer une bourse en son honneur, pour un résident qui exemplifie les qualités du médecin de famille compétent, à l'écoute, impliqué.  Une de mes chouchou, Myrill, l'a gagné.

Et puis les résidents ont donné leur prix pour l'excellent en enseignement clinique.  Et je suis restée quelques secondes sans pouvoir bouger quand ils ont annoncé mon nom.  Pour plein de raisons, ça m'a surpris: je ne suis pas une superviseure "relax", je suis en fait très exigeante et je les "challenge" beaucoup, souvent trop.Je suis des fois un peu abrupte avec eux; en même temps, je pose souvent des questions plus théoriques, plus globales, et je les force à réfléchir.  J'ai aussi eu la chance de servir de mentor à plusieurs d'entre eux -surtout ceux qui sortent un petit peu du rang de la conformité totale.

Mais je suis vraiment restée bouche bée. Avec quelques larmes aux yeux.

vendredi 25 avril 2014

http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/ariane-krol/201404/24/01-4760617-leprouvette-de-pandore.php


Débat hyper intéressant à plein de points de vue; mais le fond de l'histoire, c'est que la RAMQ est censé couvrir les soins médicalement nécessaires... comment définir la nécessité? Comment justifier de ne pas rembourser les échographies hors hôpital(sauf... pour la procréation assistée!!!!), ne pas rembourser la physiothérapie ou  la psychothérapie(une des rares exceptions: consultation en psychologie pour les gens contemplant la procréation assistée!) mais rembourser les traitements pour l'infertilité sociale(ie non médicale)? Clairement, les gens qui ont besoin de psycho ou de physio gagneraient à avoir quelques vedettes-lobbyistes de leur côté....

vendredi 14 mars 2014

Librairie "De la République"

Journée de balade et de bouquinerie en cette fin de séjour parisien, sous le soleil printannier.
J'entre dans une librairie, mon téléphone tombe de mon sac. Je farfouille dans le sac pour le replacer et un livre en émerge.
- "Que lisez-vous?" me demande par-dessus ses lunettes le libraire qui semble s'ennuyer à regarder le flot de touriste regarder brièvement la vitrine de sa boutique sans y entrer.
- "Je termine L'Art perdu de ne rien faire"
- "Je ne connais pas, de qui est-ce?"
- "De Dany Laferrière", dis-je un peu plus fort que je l'aurais voulu, tout à ma fierté d'avoir déjà conversé avec l'auteur chez Olivieri...
-"Ça ne me dit rien"
-"Pourtant, c'est un Académicien!!!!"
-"Qui, lui?"

Je me demande encore si la moue de dégoût du libraire vient de ce que je l'ai pris en défaut de ne pas connaître un académicien ou de la couleur de la peau de Dany....

lundi 2 septembre 2013



Il y a six mois, la panique était prise car une piscine de Côte-des-Neiges réservait quatre heures par semaine pour la baignade réservée aux femmes qui ne se sentaient pas à l'aise -qui pour des raisons culturelles, religieuses, qui parce qu'elles ont l'impression que leur corps ne correspond pas aux canons de la "beauté"- de se montrer en maillot de bain devant des hommes.

Aujourd'hui au Plateau s'ouvre un gym complet réservé aux femmes. Mais ça, ça va. Les femmes plutôt riches, plutôt blanches, ont le droit de s'isoler des hommes pour cause de lycra, du sueur, de cellulite, ou de plein d'autres raisons qui peuvent être trouvée ridicules par certaines féministes, encensées par d'autre.

Une chose est sûre; plusieurs de mes patientes -souvent ni musulmanes, ni juives, contrairement à ce qui vous pouvez penser- avaient commencé à aller nager pour se mettre en forme, à la piscine du coin, lors des bains réservés aux femmes.  Une d'entre elle a même réussi à contrôler sa glycémie grâce à ses deux visites hebdomadaires à la piscine.

Vous me direz que puisque la piscine est publique, il est normal qu'elle ne fasse pas de ségrégation. Et peut-être avez-vous raison. Mais on leur a refusé à cause de la perpétuelle peur de l'accommodement raisonnable pour cause de religion. Or si il y a une chaîne de gym réservée aux femmes, c'est bien parce qu'il y a une demande pas si minoritaire que ça...

dimanche 25 novembre 2012

Le tout-inclus: premières impressions

Isabelle au tout-inclus...

Voilà.
Première expérience dans un "resort" tout-inclus, à la Riviera Maya.  L'impression indélébile de camp de vacances, avec la monitrice qui fait lever la main à ceux qui sont des "vétérans" de cet hôtel, et à ceux qui ont déjà entendu parler des Mayas.

Je ne peux m'empêcher d'avoir mon oeil anthropologique, car la mentalité de troupeau me dérange un peu.

D'abord, rite de passage numéro un, on nous accole un bracelet "magique"  que l'on ne peut enlever durant la semaine:

Ensuite, on voit des gens se prosterner devant des statues de déités:



lundi 19 mars 2012

Fabienne et les omni

livre à lire: Profession Médecin de famille de Marc Zaffran

 en réponse à quelques personnes qui m'ont demandé mon opinion sur le sujet et en particulier au billet "Fabienne qui?"

 Je pense que le même extrait de Trauma, dans un vide médiatique, n'aurait dérangé personne. (Transparence totale, comme dirait JF Lisée: j'ai pas de télé, j'écoute pas vraiment la radio,j'ai jamais écouté Trauma mais je suis incollable sur House et Grey's Anatomy, because McGill. Je lis par contre plein de journaux. Et je me balade sur les interwebs)
 
 Le problème c'est que les omnipraticiens ne sont jamais mentionné dans les médias (fiction et "journalisme") de manière positive.  Jamais. Pourtant, on parle de nous tout le temps. On est un enjeu électoral, un objet de discours plutôt qu'un sujet de discours. Les problèmes du système de santé québécois, apparemment, c'est surtout de notre faute. On est pas assez nombreux, trop nombreux mais paresseux, on chiale trop, on travaille pas assez, on est désorganisés, on est corporatistes car on se pose des question sur l'octroi de pouvoir de prescription aux pharmaciens(la prescription sans diagnostic, c'est un peu comme la taxation sans représentation...) . On est l'enjeu électoral par excellence;  on va nous organiser, nous réorganiser, nous forcer à ceci  ou à cela.  On va gagner des comtés et peut-être des élections sur notre dos.
 
 Et oui, certains de nos confrères et collègues spécialistes(leur chef, même!) disent, comme cette chirurgienne folle, qu'on n'est bon qu'à soigner des rhumes.  Un sondage informel d'un douzaine de résidents en  médecine  de famille , jeudi et vendredi dernier, nous révèle que 92% d'entre eux se sont fait dire pendant leur stage d'externat qu'ils "pouvaient faire bien mieux que de la médecine de famille".  L'autre étudiante, après avoir eu de la difficulté à déchiffré un électroencéphalogramme, s'est fait dire qu'elle n'était bonne à rien et qu'elle devrait aller en médecine de famille. Engagez vous, rengagez vous qu'ils disaient...
 La réaction contre Trauma, donc, est une réaction contre la dévalorisation et le mépris constant de la médecine familiale dans les médias.  Surtout que notre boulot est très influencé par ce que les gens voient à la télé, reportages sérieux ou fiction.  La semaine où, dans ER, un bébé  goûte "salé" quand sa maman l'embrasse et est ainsi diagnostiqué avec la fibrose kystique, je sais qu'il y aura dix maman qui m’emmèneront  leur enfant parce qu'elle croient  détecter un goût salé sur sa peau.  La fiction influence beaucoup plus la perception des gens qu'on peut le croire et nos patients pensent connaître la réalité médicale à travers les yeux de House, Grey, Carter et tous les autres... quand ceux-ci "plantent" les médecins de famille, certains téléspectateurs acceptent cela comme la réalité.   
 
Et pensez-y. C'est quand la dernière fois où vous avez entendu quelque chose de positif dans les médias sur la médecine familiale? Ou qu'un médecin de famille ait été interviewé pour quoi que ce soit autre que ce que réagirà ce que Dr Barrette ou Fabienne Larouche a dit?
 
Au final, ce tollé c'est une réaction à la cristallisation des discours négatifs de la CAQ, de Barette, des politiciens et des émissions de télé où on ne voit que des spécialistes, surtout si ceux-ci se font porte-parole des préjugés omniprésents.