mercredi 16 mars 2011

Corporatisme, pharmacie, pharmaceutique

Ce genre d'article m'énerve.  Ça m'horripile d'entendre si souvent "vous, les médecins, vous êtes contre une plus grande responsabilité clinique pour les infirmières et les pharmaciens". Parce que comme généralisation, on ne fait guère pire...


Parce que je ne suis pas "les médecins". Et que oui, le corporatisme étouffe ma profession, c'est vrai. Mais tout ce que l'on pense n'en est pas nécessairement teinté... de mon côté, je suis en faveur d'une plus grand liberté clinique pour les infirmières, qui peuvent aussi bien que moi diagnostiquer des rhumes, des gastros, des otites, de l'eczema, des pharyngites et peuvent mieux que moi donner les conseils d'usages. Elle peuvent faire bien plus, d'ailleurs: s'occupper de contraception, gérer certaines maladies chroniques, faire le suivi d'enfants en bonne santé et bien plus...  et si le corporatisme peut expliquer une partie des rasions pour lesquelles on ne leur donne pas de rôle plus conséquent, l'immobilisme du gouvernementl'explique encore plus.  Cela fait trois ans que l'on collabore à former des "super-infirmières" enmédecine générale, mais on ne leur crée pas de postes.  Pourtant, elles pourraient nous alléger la tâche et collaborer à donner de bien meilleurs soins à la population.

Pour les pharmaciens, par contre, j'ai un peu peur. Parce que traditionnellement, au Québec, être pharmacien ce n'est pas une profession clinique. Et qu'on sait qu'en Europe, l'usage d'antibiotiques de toutes sortes et à tout vent est favorisé par les interventions des pharmaciens. Alors qu'on essaie d'éduquer la population que non, chaque otite n'a pas nécessairement besoin d'antibiotiques et que non, chaque  mal de gorge n'est pas une infection à streptocoque hémolytiques. Et que dire des statines en vente sans ordonnance en Grande-Bretagne..

Mais tout cela se contrôle et on pourrait arriver facilement à des protocoles et des ententes pour assurer de bons soins.  Ce qui me dérange vraiment, c'est que la pharmacie, au Québec, trèes souvent, c'est surtout une "grosse business" lucrative. On n'a qu'a penser que jusqu'à très récemment, ces professionnels de la santé vendaient des cigarettes et sont même allés en cour pour défendre leur droit à le faire ...  Difficile de me faire croire que la santé était la priorité de ces entreprises. Et maintenant que les compagnies pharmaceutiques sont de plus en plus critiquées dans le monde médical, elles investissent beaucoup dans le marketing auprès des pharmaciens... Les compagnies de génériques et celles de préparation "originales" renchérissent de cadeaux et de "formations", essais à peine déguisés d'augmenter es ventes de leurs produits.   Et si on regarde, par exemple, l'énorme rangée de sirops contre la toux qui, on le sait, n'ont pas d'efficacité autres que placebo ou la quantité de produits "diètes" nocifs vendus en vente libre en pharmacie, il me semble difficile de croire que les pharmaciens pourront ignorer leur marge de profit ... Comme médecin, on est déjà en conflit d'intérêt lorsque l'on accepte des cadeaux ou des services de la part des compagnies pharmaceutiques. Faudrait peut-être penser à cela avant que les gens qui font des profits sur la vente des médicaments aient le droit d'en prescrire...

Alors donner plus de responsabilités cliniques aux pharmaciens, oui, mais avec un changement de paradigme: la santé, ce n'est pas (ne devrait pas être) une business!