jeudi 25 novembre 2010

de la chronique et du blog



Ça fait longtemps que j'y pense.  Je crois que vraiment, Cyberpresse devrait changer un peu son interface, et bien différencier la "chronique" -ou le billet de qualité, à la Foglia- du "blogue" de leurs chroniqueurs.
On s'attend d'une chronique qu'elle soit fouillée, qu'il y ait eu de la recherche, des sources, un propos cohérent.

Le blogue peut s'en permettre un peu plus...

Celui de Lagacé, hier, m'a fait m'étouffer plusieurs fois plutôt qu'une.  En présentant un vidéo promotionnel de la compagnie pharmaceutique Roche (déguisée sous le couvert d'une coalition anti-cancer) il fustige le Conseil du Médicament de ne pas avoir approuvé l'utilisation de certaines "molécules" (terme utilisé par les journalistes qui croient que c'est ce qui se dit dans le jargon médical) pour le traitement du cancer.
En bref, il dit que pour économiser des sous, le Québec choisi de ne pas sauver la vie de patients, ou de ne pas en augmenter la qualité.

Ses "sources", deux oncologues, sont très intimement associés aux compagnies Novartis et Roche, qui comme par hasard fabriquent la quasi-totalité des médicaments refusés par le conseil du médicament.  
On ne mentionne pas, non plus, que plusieurs de ces médicaments sont disponibles pour traiter certains cancers, mais pas pour ceux où leur utilisation est trop expériementale, ou trop coûteuse.
Ce qui m'enrage, c'est que c'est une chronique populiste -"les gens meurent du cancer et on leur refuse des traitements" pas du tout fouillée. Il aurait fallu poser la question: comme société, acceptons nous de payer tout médicament qu'un représentant pharmaceutique a réussi à vendre comme prometteur à un oncologue et à des patients désespérés? Un vidéo populiste est-il plus représentatif de la réalité qu'une analyse poussée -pas toujours parfaite, pas toujours selon les standards que l'on voudrait, avec des ratés, évidemment- d'un groupe d'experts dont l'indépendance est suréveillée?  Voici le type d'analyse que fait le Conseil du Médicament pour refuser, par exemple, le bevacizumab (Avastin).  Son efficacité pour l'indication soumise n'est pas établie.  Simple.

D'autre analyses sont plus difficiles à suivre et probablement plus sujette à discussion: le conseil du médicament utilise des modèles d'analyses pharmacoéconomiques pour décider si un médicament à efficacité partielle "vaut la peine" au point de vue des coûts et bénéfices.  Et ça, on peut en discuter des années... est-il juste de refuser un traitement de six semaines à coût approximatif de 8000$ qui pourrait allonger la vie (sans que l'on sache ce qui en est de la qualité) de deux mois mais tuer un pourcent des patients qui le prenne? Voir, par exemple, l'analyse pour le Temsirolimus (Torisel).

C'est une situation très complexe, très loin du "on refuse des médicaments pour améliorer la vie des cancéreux" du blogue de M. Lagacé.

mardi 23 novembre 2010

De la littérature engagée



La semaine passée, je suis allé donner un cours, incognito.  Incognito, car la professeure du cours m'a présentée comme une anthropologue ayant fait des études en littérature comparée.  Après m'être assuré qu'aucun de mes patients n'étaient dans la classe -une de mes phobies, car expliquer comment on peut à la fois être médecin et donner une séance sur la littérature africaine à l'université peut être long et ardu-j'ai laissé la parole aux représentants de l'association étudiante qui voulaient parler d'un vote de grève imminent.  Le désintérêt se lisait sur tous les visages; la clientèle de l'UQAM semble avoir changé:  moins de révolutionnaires convaincus...



Je débute mon cours, parlant de Nadine Gordimer, grande écrivaine sud-africaine, engagée dans la lutte à l'apartheid, militante de l'ANC, écrivant magnifiquement  l'injustice, les faux-semblants, la révolte.  La classe est tiède.  Se réveille un peu quand on  parle de Sartre  -"la littérature efficace, c’est la littérature qui entraîne l’homme vers l’amélioration de la condition des hommes "- et quand commence le débat à savoir si la littérature est toujours engagée.  Si on peut choisir de ne pas s'engager malgré un contexte difficile, injuste, inacceptable. Si choisir d'écrire le train-train quotidien d'un monde sans injustice frappante -comme ici, à Montréal, maintenant- était un engagement à ne pas s'engager.  Si un écrivain peut refuser de s'engager, refuser le rôle de porte-étendard.  Comme le soulignait un étudiant, on peut choisir d'écrire ici, maintenant, sans mettre notre vie ou celle de nos proches en danger.  Alors que dans certains régimes totalitaires, le seul acte d'écrire est subversif.  Conclusion: ici, c'est un choix de s'engager ou non.  Là-bas, c'est une fatalité. ça m'a attristé, moi qui rêve toujours de petites révolutions à chaque paragraphe que l'on écrit...


Et puis aujourd'hui, j'apprends -sur le facebook d'une amie douée en scoops littéraire-  que l'auteur Gil Courtemanche refuse sa nomination pour le Prix Archambault, car cette entreprise appartient au monstre Québécor de PFK, pardon, PKP. Celui qui a lock-outé les journalistes du Journal de Montréal, contre lequel l'establishement littéraro-journalistique a poussé les hauts cris quelques semaines, avant de tranquillement rentrer dans le giron commercial de Québécor/TVA/24 heures/LCN/Vidéotron.

Personne n'a jamais questionné ce prix littéraire.
Et vlàn, Courtemanche s'engage.
«Écrire est essentiellement un geste de liberté et je ne peux accepter que mon nom ou un de mes livres soit associé à des gens qui foulent cette liberté au pied.»
J'aime.
Peut-être est-il notre Gordimer?


Nadine Gordimer: dividing facts from fiction dans le Guardian
Sartre, Qu'est-ce que la littérature

samedi 20 novembre 2010

S'occuper du patient ou de la maladie -le texte



à la demande de certains d'entre vous, le texte qui a servi de base à ma présentation lors du débat sur la motion: "Il est mieux de traiter la maladie que le patient" lors du 12ème symposium de recherche de l'Hôpital St-Mary's  J'avais la chance de défendre le point du vue en désaccord avec la motion, en compagnie de Rosetta Antoniacci, une infièrmière exceptionnelle qui travaille au département de médecine interne.  Nos opposants éatient Dr Peter Steinmetz, un médecin de famille intensiviste, et Annie Chevrier, infirmière en soins critiques.
Le débat était en anglais, et si je n'ai pas suivi le texte/plan suivant à la lettre, ça résume quand même assez bien ce que j'ai dit...

Since my colleague Rosetta quoted a great nurse who said that “the focus of nursing was health”, I feel it is my duty to quote the Florence Nightingales of physicians, Sir William Osler, who said “It is much more important to know what sort of a patient has a disease than what sort of a disease a patient has.” It is almost common sense. When I talked to friends and relatives about participating in this debate on how it is more important to treat the person than the disease, I was received by blank stares. Wait, people would say, is that a debate? That type of a reaction always makes one nervous, when everybody thinks that what you say is common sense, it might mean that there are not many arguments on the subject…
 
And it so happened that I sat down in front of the TV series “House MD”. Dr House is the most obnoxious physician on TV; he is rude, gives the impression that he doesn't care, but is often the only one to diagnose what the patient has. And in most cases, he doesn't even talk to the patient. At first glance he seems to care only about the disease, not the patient. But the more you watch the show the more you realize that it is the opposite. He has his team going through volumes and volumes of charts, question the patient on what they felt emotionally right before the symptoms were triggered; he even sends his minions to the patient's house to explore in details the patient's environment and draws all sort of conclusions on how he/she lives. He really lives according to Osler’s aphorism. He gets to know what sort of a patient has a disease...

 
I'm not House. I talk to my patients. And as a family practitioner, my focus has to be the patient, because the disease that afflicts them is not always known, or treatable, as Rosetta mentioned. Also, many studies have shown that the patient's personal beliefs change how they feel pain and how their body reacts, and definitely change their compliance with treatment. . Often, the disease cannot be separated from its bearer. Many chronic diseases are not treatable, barely controllable, and one has to know his/her patient to help them cope with the burden of such disease. Everybody knows that exercise and calorie reduction is what is needed for an obese patient to loose weight, but you can't help a patient achieve these goals without knowing their environments, their specific biology and focusing on their way of life instead of the bare scientific aspect of obesity. Instructing a person to do that sort of behavioral change is never effective without a therapeutic alliance.
Disease does not occur outside of a patient. Even when there is a pathogenic organism, such as a virus, disease only occurs when there is an interaction between the patient and the organism. Since patients vary, identical pathogenic organisms can cause significantly different responses/disease in different patients. Disease is even more patient specific when it occurs as an interaction between the patient and environment and/or as an internal process ..

 
So ‘focusing on disease’ is a set up for treatment failure First, a given set of signs and symptoms in a particular patient may or may not fit in the ‘correct’ diagnostic box. Given enough time in practice, every clinician will see a ‘classic case’ that turns out to NOT be the presumed problem.
On top of the uncertainty in diagnosis, every patient responds to treatment in different ways. Sometimes you get the diagnosis right, prescribe the ‘right’ treatment, and the patient still doesn’t get better. On the flip side, sometimes you get the diagnosis wrong, and the recommended ‘wrong’ treatment appears to help the patient anyway.

 
We argue that the best way to treat a patient is to practice patient-centered care. It treats the patient with dignity and respect, as one capable of making informed decisions and with the rights to express needs and preferences in treatment and expected outcome. Care that is truly patient-centered considers patients’ cultural traditions, their personal preferences and values, their family situations, and their lifestyles. Disease do not stem only from pathological agents or condition, but from interaction between the biological, the psychological and the social environment. A good patient-centered approach should focus on all these aspect, and not only on the final diagnosis of a disease that they produce.

 
( ad lib on family medicine and need to focus on the patient while dealing with these issues:

  • Prevention
    • Most efficient, less painful, less costly
    • Primary/secondary
    • Act on risk factors
  • Chronic disease
    • DM, obesity, HTN
    • Dementia
  • How can you treat the disease when you don't know what it is?
    • It is not because the x-ray is normal that you don't have pain)
As Rosetta said, we often come to a point where treating a disease seems futile to the treating team or to the patient. The patient’s values, expectation and baseline state need to be considered as a whole. Even when you can’t cure, you can always care, and by negotiating a therapeutic alliance with your patient and not with his disease, you can help relief suffering.

Finally, to quote again William Osler, I can only say that “The good physician treats the disease; the great physician treats the patient who has the disease”. Thank you
In conclusion, we argue that it is impossible to treat diseases and not patients because the disease is rooted in who the patients are, in how they live, and the treatment to their ailments varies depending on how their bodies react to them, on what they beliefs are, and how they envision their choices of life and death. Also, for the patient to feel cared for, he or she has to feel heard as a human being, not just as a bearer of a virus, bacteria or condition.


De la discrimination contre les médecins étrangers



Je me suis un peu étouffée en buvant mon café cette semaine, lorsque j'ai lu que la Commission des Droits de la personne a conclu que les médecins diplômés hors Canada et États-Unis (DHCEU) étaient victimes de discrimination.    Je ne veux pas être mal comprise, loin de là: leur parcours est inutilement long et semé d'embûches.  Et la politique d'études d'équivalences  du Collège des médecins du Québec est elle aussi bancale.
Mais voilà, on oublie que la médecine est profondément culturelle, surtout les soins de première ligne -pédiatrie, médecin interne  générale, médecine de famille- et que la majorité des DHCEU qui nous arrivent sont des spécialistes dans leur pays d'origine qui se font diriger en médecine familiale ou en médecine interne générale car la compétition est grande pour entrer en spécialité.
Je ne veux pas disserter ici de l'aspect éthique d'intégrer à notre système des médecins formés à l'étranger et qui souvent étaient -pour ceux des pays du sud- "l'élite" là bas et dont chaque départ amoindri les chances du pays de se bâtir un système de santé convenable (je reviendrai à cet exode des cerveaux plus tard).  Je ne m'étendrai pas non plus sur l'utilisation du mot discrimination, qui est en général lié à l'utilisation d'un droit (et je ne crois pas qu'être médecin soit un droit, c'est vraiment un privilège) mais j'aimerais souligner que si on choisissait 25 chirurgiens spécialistes avec plus de dix ans d'expérience, tous québécois-francophones-pure-laine ou québécois-anglophones-pur-tweed, plusieurs d'entre eux n'arriverait pas à donner des réponses adéquates à l'entrevue de sélection de médecine familiale, là où le manque de médecin est le plus criant et là où la majorité des places en résidence non-comblées sont. Et la majorité d'entre eux aurait beaucoup de difficulté à se concentrer sur la médecine préventive, sur les aspects psycho-sociaux  de la santé, sur le soins aux malades chroniques, aux syndromes douloureux, à l'anxiété et la dépression qui son le lot quotidien des médecins de famille.
J'ai la chance de travailler avec les DHCEU qui ont été admis en résidence, presque tous les jours.  Et plusieurs d'entre eux s'intègre très rapidement à notre culture médical et à nos façons de faire.  Mais pour une grande partie, la résidence devient des années très difficiles, puiqu'ils doivent désapprendre presque tout ce qu'ils croyaient savoir, et tout réapprendre.  Ils ont besoin de beaucoup de supervision -idéalement, un superviseur pour un appenant, en étirant la sauce peut-être deux pour un. 
Mais dans cette époque de grande pénurie de médecins de famille, où ceux d'entre nous qui faisons de la supervision de résidents doivent être responsables du travail de 4, 5, 6 et parfois 7 résidents, est-ce que le public voudrait que l'on retire de la pratique active une cinquantaine de médecins de famille pour encadrer correctement les DHCEU?

jeudi 28 octobre 2010

Omar et le G20



je me dis qu'il faudrait bien déménager aux USA pour avoir moins honte de ceux qui nous dirigent...
d'un côté, première condamnation d' enfant-soldat depuis la deuxième guerre mondiale  alors que notre service consulaire unifolié se ferme les yeux à la crazy glue et refuse d'intervenir; de l'autre, notre bon gouvernement (!) refuse de reparler du fiasco du G20...

et aussi...

mardi 26 octobre 2010

un peu découragée...



...entre la victoire d'un conservateur raciste, homophobe et anti-environnementaliste à Toronto et les réjouissances de certains média pour le plaidoyer de culpabilité d'un enfant-soldat qui, coupable ou non, n'a jamais vu ses droits de mineur et de citoyen respectés.  Près de huit ans en prison sans procès, dans un lieu où, on sait, la torture se pratique, sans support de son gouvernement.

Dans un pays où il faut avoir dix-huit ans pour être assez responsable pour faire un croix sur un bulletin de vote pour élire un gouvernement (ô que ça me faisait rager lorsque j'avais 16 ans!) et seize ans pour être considéré assez fiable pour conduire une voiture, il semble que lancer (ou non, on ne saura jamais)à 15 ans une grenade contre l'ennemi que ses parents lui ont appris à haïr, et ce en situation de guerre,  n'est pas l'acte d'un enfant.

La justice américaine a réalisé ce tour de force: en ne reconnaissant pas Al-Quaida comme une armée -pour cause d'absence d'uniforme- elle ne reconnait pas que ces membres soient des militaires.  Donc ils ne font pas la guerre, alors que l'armée américaine, si (contre qui?  des civils alors? c'est pas une guerre ça... ). Ils rejettent donc l'appellation enfant-soldat.  Ni enfant, ni soldat, Khadr est emprisonnée pendant le tiers de sa vie, ses droits bafoués à chaque instant, même pas jugé dans son propre pays mais par une machine judiciaire-militiaire étatsunienne déficiente qui n'a plus à faire les preuves de sa partisanerie.
Et le bon gouvernement canadien n'a pas bronché, ne s'est jamais porté à la défence de l'enfant soldat ou du citoyen pour au moins réclamer un procès juste.  Pour reprendre ce que Françoise David a dit, s'il s'était appelé Tremblay ou Smith, aurions-nous vu le même résultat?

à lire, sur le sujet: dans The Atlantic

vendredi 24 septembre 2010

Choc culturel

Beaucoup de ce que l’on fait en médecine générale n’est pas scientifique. À preuve, une visite de routine de nourrisson ; à part s’assurer qu’il n’y a pas de problème grave oculaire, cardiaque ou des hanches, tout le reste n’est que « conseils d’usage ». On se cache derrière des lignes directrices « officielles » à goût scientifique –voir Rourke-, on s’assure que les poids et tailles soient dans la « normale » (mais quelle normale ? les courbes utilisées jusqu’à très récemment, sponsorisées pas des compagnies de préparation lactée pour nourrissons et issue de sondages mal foutu sne prenant pas en compte les diversité ethniques) et on parle dodo, nutrition, élimination, etc.

Récemment je suis allée rencontrer le magnifique Clarence, un mois, qui est né en France. Pays industrialisé, à culture quand même similaire à la nôtre. Je m’attendais à de légères différences dans les fameux conseils d’usages –les parents français qui m’emmènent leurs bébés ici sont souvent surpris du peu de vitamines et autres fortifiants que l’on suggère- et savait qu’on était rendu moins loin dans la campagne publicitaire pro-allaitement à tout prix- mais vraiment, je n’en suis pas revenue. D’abord, un séjour de 3 à 7 jours à l’hôpital ; une séparation mère-bébé au début dans la plupart des maternités. Une emphase sur mettre le bébé dans sa propre chambre dès le retour à la maison, alors qu’ici le co-dodo est roi et mon choc le plus grand : ici, quand on voit les bébés à la pouponnière, on enseigne illico aux parents comment les emmailloter, pour favoriser le sommeil, les calmer mais de ne pas utiliser d'oreiller ou douillets par pur du syndrome de la mort subite du nourisson. En France, au contraire, les bébés ne doivent absolument pas être emaillotés, ils doivent pouvoir bouger, d’où la « gigoteuse ! » . Et vous voyez sur la photo que la chasse à l'oreiller et la douillette n,est pas ouverte là-bas...  Et évidemment, on leur donne une panoplie de produits pour les soins de la peau et du cordon, ainsi qu'une panoplie de vitamines, dont de la vitamine k orale tant qu’il est allaité –ici, on injecte une fois et c’est tout. Comme quoi tous les goûts sont dans la culture…

dimanche 19 septembre 2010

Aran

J’ai donc passé toute une journée à Aran, profité d’un ferry qui partait très tôt le matin et d’un retour la nuit tombante. J’y étais allée il y a quinze ans, avais gardé en mémoire quelques images –la fameuse falaise, une dame qui tricotait un Aran Sweater au magasin pour touristes, et une fillette qui courrait après les mouton.


Il y avait cette fois ci beaucoup plus de touristes que dans mon souvenir. Le matin, je m’en étais moins rendue compte, car j'avais profité d’un ferry pas trop touristico-commercial (merci Lara !). Mais vers 11 heures, quand le premier des traversiers de Aran Islands Ferry est arrivé, ce fut comme voir des fourmis envahir l’île. J’avais déjà décidé de faire le grand tour à pied, en bonne marcheuse que je suis. J’avais laissé mon exemplaire de Bouvier (dois-je avouer mon bonheur que mon ex-libraire favorite ait deviné ce que je lisais en allant là bas !) à Galway -voulant, comme l'auteur, être "dépourvue" en arrivant là-bas-, et en y revenant je l’ai feuillette fiévreusement, cherchant cette citation : « En bons marins, les Aranais n’aiment pas marcher. Pour se rendre à un jet de pierre ils prennent leur vélo ou leur charrette. Île à carriole. (61) » car ce fut vraiment l’attitude des insulaires à mon égard. Surtout que maintenant, sur Inishmore, on trouve cinq ou six boutique de location de vélo. Avant, seuls les touristes marchaient. Maintenant, plus personne ne marche. J’ai bien pu voir les regards incrédules des passants en me voyant entamer l'acension jusqu’à Don Aeghesa (SP ?) ; certains s’arrêtaient, me demander en passant si vraiment je comptais marcher.

Deux charrettes se sont arrêté, trois minibus à touristes, un « local » dans sa voiture. Une vieille dame avec un rêche châle en laine étriqué a murmuré quelque chose que je présume être désobligeant –je ne suis même pas sûre si c’était de ‘anglais ou du gaélique. Je ne serais pas surprise qu’elle se soit signée après mon passage.




Une autre phrase de Bouvier me hante, et je ne la retrouve plus. C’est de ces phrases qu’on aimerait avoir écrites soi-même, tant elles correspondent exactement à ce que l'on pense. Quelque chose à l’effet que sur les lies d’Aran, comme dans certains autres endroits en Irlande, seul les peintres peuvent arriver à saisir les couleurs, les nuances, les changements dans l’éclairage qui change à chaque millimètre. Comme si cette beauté si nuancée faisait peur à la caméra ; et j’ajouterais, à la caméra numérique encore plus. Je crois -en pensant passant au film l’Homme d’Aran- qu’un savant mélange de pellicule de celluloïd, de lumière, d’acides acres et de papier épais pourrait quand même saisir un peu de la beauté élusive des lieux.  Mais j'aurais eu envie d'avoir un boîte de couleurs avec moi, et un oeil d'artiste, pour saisir tous ces jeux de lumière...

jeudi 16 septembre 2010

Galway 4-5



Peu de chose d'intéressant à écrire: visite aux Îles d'Aran, magnifiques, mais entourée de touristes  imbuvables.  Le car qui nous emmenait au ferry avait dix minutes de retard et c'était a)la fin du monde b)la preuve que les irlandais sont paresseux c)un complot (oui oui!).  Ensuite, sur le ferry, quelques-unes de ces personnes semblaient surprises que le ferry aille sur l'eau.  C'est sûr que pour aller sur une île, c'est en général la technique, non? enfin, ils avaient le mal de mer et réclamaient que le capitaine aille moins vite.  Pour peu, ils auraient demandé que les vagues soient moins hautes!



Par contre, je me suis fait un ami; pour bloquer ces gens j'écoutais Rufus Wainwright assez fort dans mon iphone et je lisais le Checklist Manifesto de Gawande.  J'ai dû rire à haute voix de son commentaire "He tried the usual surgical approach (...) -yelling at everyone to get their act together!(p.45)" car mon voisin -un petit rouquin de dix-onze ans - m'a demandé ce que je lisais, puis m'a montré toutes les listes qu'il faisait dans son petit carnet.  C'est franchement le seul compagnon de voyage que j'ai trouvé sympathique... quand il va être grand, il veut être pompier, mais sur un  bateau.  Je suis encore perplexe de sa réponse, et lui se demande si j'étais sérieuse quand je lui ai dit que je n'avais pas encore décidé ce que je ferai quand je serai grande...




Je vous montre quelques photos de Inis Mor et vous raconte plus en détail plus tard, car je dois aller manifester contre les coupures en santé en Irlande.  La manif commence dans un pub, je me demande si elle va en sortir...

(je me suis dit qu'il fallait un inukshuk moussu)


(photo que Thomas, mon ami du ferry, a tenu à prendre...)

mercredi 15 septembre 2010

Galway 3-4

Alors, souper dans le resto néo-ikéa... excellent J'ai choisi la côte d'agneau irlandais sauce à la menthe, en l'honneur d'Astérix (d'ailleurs, à quand Astérix en Hibernie? ce serait mieux que les derniers Astérix et les extra-terrestres). et c'était succulent. Et il y avait de la pavlova en dessert! miam! On m'a aussi expliqué que le néo-ikéa as été le nec plus ultra du design irlandais car il n'y avait pas d'Ikea sur l'île jusqu'en 2007 et les gens importaient leurs armoires de cuisine à fort coût ou allait jusqu'en Angleterre pour en acheter.



Par contre, un touriste néerlandais m'a adressé la parole en dutch et a semblé fâché que je ne lui réponde pas dans la même langue. J'ai bien essayé de lui parler de stroopwafels, sans succès. Ensuite, Tara nous a fait une démonstration du gaélique qu'elle a appris lors d'un séjour d'intégration dans une gaelstacht, et s'est fait féliciter par le serveur de la qualité de son russe… Le sommelier a (malheureusement) insisté pour nous faire goûter du pinot noir Galway Bay. Je ne vous en rapporterai pas.



Je suis allée me promener sur la soi-disant plus longue promenade côtière (boardwalk) d’Europe, à Salthill. Toujours aussi beau… je devais aller faire du bateau avec des amis, mais il ventait trop pour leur petit bateau…




Au bout de la promenade il y a un muret de pierre. Un« local » nous a raconté l’histoire suivante : apparemment, un guide touristique français a écrit il y a quelques décennie qu’il existait une tradition de donner un coup de pied au muret en arrivant à la fin du trajet. Depuis, tous les français qui visitant Galway se font un point d’obéir à la tradition de « kick the wall ». Je sais pas si c’est vrai (en fait, j’ai vu deux français le faire mais je ne sais pas si c’est vraiment une tradition inventée de toutes pièces) mais j’ai bien ri.



Constatation sociologique 1: il est beaucoup plus facile de boire du café équitable à Galway qu’à Côte-des-Neiges.

Constatation sociologique 2 : des fois, les panneaux ne sont pas très clairs (je crois que le bonhomme jaune va vers le nord et le blanc vers le sud, mais ce n’est qu’une théorie…)




Constatation sociologique 3 : le Journal de Montréal n’est rien comparé aux tabloïds de tradition britannique:



mardi 14 septembre 2010

Galway, jours 2-3


Journée tranquille -jusqu'à maintenant!-  pour mon anniversaire.

 
Quelques observations, quand même:
  • santé publique 101: on devine l'épidémiologie irlandaise de la maladie céliaque en observant que tous les menus  de la ville offrent une version "sans gluten""; apparemment, même McDo s'y met mais je ne suis pas allée vérifier...

  • Il faut bien aller à Galway pour découvrir l'un des plus grands écrivains estoniens.  Eduard Wilde (Vilde) a sa statue à côté de celle d'Oscar Wilde, mettant en scène une rencontre qui n'a jamais lieu. Un étrange côte-à-côte entre un estonien qui n'a jamais mis les pieds en Irlande, et un irlandais peu associé à Galway.  Me demande bien ce qu'Oscar en dirait...

  • Ça m'a quand même donné un prétexte pour aller regarder les bouquins d'Eduard... une seule édition disponible chez les bouquinistes, une première édition très chère et dans une langue que je ne comprends pas. J'ai passé mon tour...

  • Les trois quarts du musée de Galway sont occupés par une exposition sur les deux heures passées à Galway par Joh n F Kennedy. Mais à peine un panneau sur la prison de Galway qui abritait tant de prisonniers politiques et encore moins sur la famine... une chance que lady Di n'est jamais venue ici...

  • Idées-cadeaux pour tous: vous connaissez ces vidéos et DVD qui présentent un bon feu crépitant? mieux, maintenant: un feu de tourbe irlandaise, juste pour vous! ( et je ne veux même pas penser à l'odeur du "peat incense")
  • Pour ma fête je me suis tapé le 4 o'clock tea typique, avec petites sandwiches (oui, au féminin) au concombre et pâtisseries à la "clotted cream"!


Je m'en vais manger à l'instant  avec mes amis presque irlandais dans ce qui est apparemment le meilleur resto de Galway.  Je suis allée espionner un peu plus tôt les lieux et je ne suis pas très impressionnée par la déco néo-ikea, mais c'est mes papilles qui doivent être impressionées, pas mes yeux!

 

lundi 13 septembre 2010

Galway 1-2

Une chance que j’aime la pluie! J’ai été réveillée par un magnifique orage, orange et rouge, avec la pluie qui tombait en cascade. Le temps de me recoucher pour lire puis aller manger, ça c’était calmé.


J’en ai profité pour aller me balader dans la partie médiévale de Galway, puis faire une promenade le long de la baie, dans Cladagh, bourgade pour laquelle la fameuse bague irlandaise est nommée. J’ai cru que la pluie était terminée. En apparence, c’était vrai, mais en fait il a fallu que je nage à travers la bruine pour traverser la ville. Pas de gouttes d’eau en vue, un vent violent de film de marins, mais un ciré et des cheveux trempée et l’impression de lutter contre les éléments pour arriver à son but. Dans mon cas, l’aquarium de Galway. Première surprise : il loge avec un kiosque d’informations pour touristes, un café (avec un menu à couper le souffle), une boutique du musée qui vend des canes à pêche et un restaurant chinois qui se targue d’avoir « twelve types of fried fish ». Ça ne s’invente pas.

(j’ai eu envie de virer mes guppies de l’aquarium et de faire un bassin à raie. J’adore leur motif, mais leur gueule de fantômes m’effraie un peu).








Découverte de l’après-midi : Galway est le paradis des librairies indépendantes (yé !) et des bouquineries d’occasion. Je me retiens de trop acheter, mais je suis tombée sur un roman de Hugh Laurie (l’acteur qui joue House !). J’ai bien hâte de le lire… J’ai bien peur de céder à la désormais traditionnelle technique d’acheter une boîte pour m’envoyer les bouquins par la poste. Je résiste, mais qui sait pour combien de temps ?




Ce soir je vais voir des copains –Patrick et Lara- que j’ai rencontré en fac de médecine, lui était en première année avec nous, elle n’a pas été sélectionnée (une de ces « non-scientifiques » qui ne sont pas ce que les fac cherchent… une musicienne) et s’est exilée en Irlande pour étudier la médecine. Patrick est allé la rejoindre en deuxième année (la médecine n’étant pas contingentée à l’entrée mais après le pré-clinique et à nouveau après un an de clinique) et ils ne sont jamais repartis. Apparemment la situation des soins de santé n’est pas mieux au point de vue politique, à en juger par ces affiches que l’on retrouve partout.




Leçons de la journée :
1) Même si on essaie d’être le plus écolo possible, il faut toujours investir dans des ziplocs avant de voyager en Irlande. Surtout si on aime les bouquins.  Et même s'il fait 20C, il y a une raison pour laquelle les Irlandais portent un bonnet, des gants et un chandail de laine sous leurs imperméables. même pour une Québécoise la pluie et le vent gèle jusqu'à la moelle...


2) Les appareils photos devraient avoir des réglages pré-établis pour «gris -pluriel-  mer d’Irlande » et « verts pré d’Irlande »:





3)Danns la série de panneaux routiers fantaisistes: attention où vous conduisez


4) Il y a des plaisantins à l'aquarium de Glaway:

(on voit, si on est un poisson qui sait lire: Warning, Predators Beyond This Point)






dimanche 12 septembre 2010

Dublin 3 -Galway 1

Petite balade matinale à Dublin, qui est très calme le dimanche matin, sauf à 10h quand les cloches d'à peu près toutes les églises sonnent en même temps.  J'en profite pour étrenner le fameux nouvel imper -pas trouvé ni d'imper de pirate, de ciré jaune ou de ciré multicolore à la Joseph and the Amazing Technicolor Dreamcoat. J'ai donc décidé de m'inspirer d'un de mes héros littéraires et d'y aller avec un plaid à la Sherlock Holmes.  Bien m'en pris, car la pluie fut torrentielle...



Ensuite ce fut le trajet en autobus pour Galway. Même si c'est un cliché éculé, je dois avouer que toutes ces teintes de vert m'ont fascinée, et j'ai regretté de ne pas avoir une caméra à pellicule qui pourrait mieux les capturer que le numérique.

À Galway, mes pieds ne se sont pas du tout souvenu de la ville, mais alors là pas du tout; à me demander si j'y étais vraiment venue.  Je suis sûre qu'ils se rappelleront d'Innishmore, où je prévois aller mercredi.  Les dimanches, Galway, c'est mort... je suis donc partie me balader sans but précis et me suis retrouvé sur les quais.  C'est la troisième fois en autant de jours que mes pas m'emmènent sur les docks; j'épargne de commentaires ceux d'entre vous qui savent que je me questionne sur la pertinence de retourner aux études pour faire un, hum, doc,


Peu d'autre choses à dire car une bonne partie de la journée a été avalée par un bus où j'ai pu lire du Conan Doyle et du Gawande (les autres bouquins dans mon sac étant ceux de la trilogie Twain de Martin Winckler, vous ne pouvez pas dire que j'ai pas de la suite dans les idées)...   et après, le 4 o'clock tea traditionnel dans un café plein de dentelles, de châles et de vieilles irlandais discutant tricot et crochet...

et pour finir, je pars à la recherche d'un resto chinois, car c'est la tradition!